2 mars 2011

Récit d'un bénévole : Gatien





Routes défoncées, encombrées de tap-taps à l’agonie, de camions hurlants assurés de leur puissance, et de voitures, grosses japonaises aux vitres teintées embarquant un responsable sûrement très important, voire essentiel pour le pays, d’une organisation humanitaire.
Chacun à son volant est engagé dans une course mal définie, mais où tous les coups sont permis et où l’on s’inscrit obligatoirement à peine le moteur démarré.
Dans cette pagaille la plus complète, les piétons, humbles pions, tentent à leurs risques et périls de se déplacer.
La chaleur écrase la ville et ses habitants, un nuage de poussière et de pollution flotte en permanence dans l’air, s’insinuant dans chaque espace et couvrant toutes choses d’une couleur grise.
Vie simple, presque normale, au milieu des gravats toujours pas ramassés après ce 1er anniversaire du séisme, la population de Delmas, banlieue de Port Au Prince, s’accommode de la misère. Bienvenue dans le troisième monde, celui des abandonnés, des "ONG",  des assistés : les vrais.
Les bâtiments sont écrasés. Certains, tel un château de cartes, se sont empilés dalles de béton sur dalles de béton. Quelques hommes armés de massette et burin cassent peu à peu les blocs énormes. D’autres s’acharnent sur les fers à béton à l’aide d’une simple scie à métaux. Travail quelque peu surréaliste vu l’ampleur du labeur. Les gravats s’accumulent sur les trottoirs puis débordent sur la route pour la boucher partiellement. Pour combien de temps ? Un amas de détritus s’étale par endroit, c’est le rendez-vous des chiens errants et des cochons. Il sera brulé dans quelques jours. Les plastiques et les emballages, jonchent le sol, parfois un employé municipal les pousse de son balai quelques mètres plus loin.
Les parcs et jardins sont devenus de vastes camps où les tentes à touche-touche abritent tant bien que mal des milliers de familles. Abrite c’est à voir ! Sous un soleil de plomb, sous des pluies torrentielles, le quotidien se conjugue avec urgence et fatalisme ou fatalité. Un point d’eau, quelques latrines "provisoires" délabrées, hommes femmes enfants et animaux y vivent une totale promiscuité.
A quelques dizaines de kilomètres de Port Au Prince, la pauvre campagne, les collines râpées et désolées se couvrent de tentes des expulsés de la ville. Là aussi vivent entassés dans le plus grand dénuement des milliers de personnes. Combien ? Qui sait. 
Bien sûr, il y a les enfants ! Dans ce monde hors du monde, on fait des enfants… Dix, parfois beaucoup plus, et trop en tous cas. Une habitude peut être une troublante mécanique… pour servir c’est sûr ! Servir qui ? Servir à quoi ?
Bien sûr il y a la religion ! Chaque soir les harangues des prédicateurs des diverses églises mobilisent une foule de gens prêts à psalmodier et chanter Alléluia
Nous sommes maintenant sur le bord de mer. Ici se détendent les familles des responsables des ONG. On ne se cache pas, on en fait un musée, la résidence des maîtres et leur propriété transformée en un complexe de grand luxe. La nature est luxuriante, le prix des chambres et celui des repas est à l’avenant, nous avons quitté le 3ème monde pour le premier, et nous y avons retrouvé quelques élus.

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